Après avoir craint la pénurie, le réseau français (RTE) alerte sur la surabondance d’électrons. Un système électrique surdimensionné coûte cher, et ce surcoût risque de faire grimper les prix de +7 à +10 % d'ici 2030. La solution ? Elle est radicale : il faut électrifier massivement nos usages. Pompes à chaleur, voiture électrique et plaques à induction ne sont plus seulement des choix écologiques, mais la clé pour stabiliser le réseau et éviter une flambée des prix.
Il y a trois ans, la France redoutait les coupures. Aujourd’hui, elle fait face à un problème inverse et inattendu : la surabondance d’électricité. Dans son dernier bilan prévisionnel, RTE (Réseau de Transport d’Électricité) alerte : si la consommation nationale n’augmente pas plus rapidement, ce paradoxe pourrait faire grimper le coût du système électrique et, in fine, nos factures.
La France produit trop d’électricité : un paradoxe qui inquiète RTE
Après les tensions de 2022 liées aux problèmes de corrosion du parc nucléaire et à la crise énergétique, la France a réarmé ses moyens de production et accéléré les renouvelables. La peur des délestages s’est éloignée, laissant place à une situation d’abondance d’électricité en 2025.
Si cette capacité de production est une bonne nouvelle pour la sécurité d’approvisionnement, le gestionnaire du réseau s’inquiète des conséquences économiques d’un parc de production surdimensionné par rapport à la demande.
L’allégorie du restaurant trop vide
Pour illustrer le problème, RTE utilise la métaphore d’un restaurant. Le système électrique a rénové sa cuisine (nucléaire redémarré) et renforcé sa brigade (énergies renouvelables en hausse). Cependant, la clientèle en salle n’est pas assez présente.
Un système électrique est composé de coûts fixes considérables (entretien des centrales, maintenance du réseau, etc.). Si ces coûts sont amortis sur une quantité d’énergie consommée trop faible, le coût unitaire du mégawattheure (€/MWh) augmente.
Une consommation en berne… alors que le parc de production augmente
Plusieurs facteurs expliquent la stagnation de la demande électrique :
LED, efficacité énergétique, industrie à l’arrêt : la demande stagne
- Efficacité énergétique : La généralisation des éclairages à LED a permis d’économiser environ 10 TWh d’électricité entre 2010 et 2020. L’isolation des bâtiments et les appareils plus performants contribuent également à cette sobriété structurelle.
- Crise économique : Le recul de certaines activités industrielles, grandes consommatrices d’énergie, impacte directement la demande.
- Écogestes : Les ménages ont conservé des pratiques plus sobres depuis la crise de 2022.
Le coût fixe du système électrique explique la hausse potentielle des factures
L’enjeu est purement économique : la surcapacité du réseau doit être supportée par une consommation insuffisante. Selon RTE, si la consommation n’augmente pas, le coût du système électrique pourrait être plus élevé de +7 à +10 % à l’horizon 2030. La facture est répartie entre moins de « clients » pour le même coût d’infrastructure.
RTE avertit : il faudra réduire la production… ou consommer davantage
Dans un scénario où la production excède la consommation, le réseau est contraint d’agir, faute de solutions de stockage massives et rentables pour l’instant.
Nucléaire modulé à la baisse
Le nucléaire, grâce à sa capacité de pilotage, est la première variable d’ajustement. RTE anticipe une modulation à la baisse des réacteurs pouvant atteindre –50 TWh de production. Cette énergie ne sera pas produite, entraînant des conséquences économiques directes pour l’exploitant (EDF).
Panneaux solaires débranchés en milieu de journée
Les énergies renouvelables, moins pilotables, sont aussi concernées. En milieu de journée, période de fort ensoleillement, il devient parfois nécessaire de débrancher des panneaux solaires pour éviter d’injecter dans le réseau un courant non rentable faute de débouchés.
Conséquences économiques : Ce pilotage à la baisse des renouvelables et du nucléaire engendrerait une forte érosion des revenus des producteurs sur les marchés, estimée à près de –20 Md€/an par RTE. Une perte qui serait partiellement compensée par des subventions publiques, et donc par le contribuable.
La solution pour éviter une hausse de facture : électrifier massivement les usages
Pour éviter ce surcoût et mettre à profit cette abondance d’électrons décarbonés, RTE appelle à accélérer le scénario de décarbonation rapide en remplaçant les énergies fossiles par l’électricité.
Chauffage : les pompes à chaleur deviennent un levier clé
Le remplacement des chaudières à fioul ou à gaz par des pompes à chaleur (PAC) est le levier le plus puissant dans le secteur résidentiel.
- Bénéfice réseau : L’installation massive de PAC permet une hausse maîtrisée de la demande électrique.
- Bénéfice écologique/économique : Elle permet une réduction massive de la consommation d’énergies fossiles importées, créant un cycle vertueux pour la balance commerciale et le climat.
Voiture électrique : le pilier du scénario RTE
L’abandon de la voiture thermique est central. Dans le scénario de décarbonation rapide souhaité par RTE :
- Objectif 2030 : Atteindre 8 millions de véhicules électriques (VE) en circulation, contre 6 millions dans un scénario lent.
- Impact réseau : L’électrification des transports est le plus grand gisement de consommation supplémentaire avec un rôle primordial de la recharge pilotée.
Le but n’est pas de charger son véhicule électrique uniquement en pleine journée, mais de maximiser la recharge nocturne et aux heures où le réseau est peu sollicité. Cela permet d’utiliser au maximum les électrons produits en permanence par le nucléaire et l’éolien.
Flexibilité : le pilotage des appareils devient stratégique
Pour que l’électrification soit efficace, elle doit être intelligente et flexible. L’enjeu est de décaler la consommation des appareils non critiques afin qu’ils s’activent lorsque l’électricité est la plus abondante, qu’elle soit de jour (solaire) ou de nuit (nucléaire/éolien).
- Pilotage dynamique des gros postes : La gestion connectée du ballon d’eau chaude (cumulus) et de la recharge du véhicule électrique (VE) via les bornes intelligentes est essentielle. Ces équipements peuvent être programmés pour opérer en dehors des pics de demande, utilisant ainsi les électrons excédentaires.
- Ajustement des usages quotidiens : Le même principe s’applique aux appareils comme le lave-linge et le lave-vaisselle. En utilisant la fonction de départ différé (ou programmation), les ménages peuvent choisir de les lancer au meilleur moment pour le réseau.
- Passage à l’électrique intelligent : Enfin, la simple conversion d’équipements fossiles (comme les plaques à gaz) vers l’induction contribue à la stratégie, car elle dirige un usage naturel (la cuisine) vers la consommation du pic solaire en milieu de journée.
Ce que doivent retenir les ménages : consommer mieux, mais aussi consommer au bon moment
L’appel de RTE n’est pas une incitation au gaspillage, mais à l’optimisation des usages.
Les électrons excédentaires produits coûtent cher à ne pas consommer. La bascule vers des équipements électriques modernes (PAC, VE, induction) et leur pilotage intelligent (via Linky, box énergie, etc.) est aujourd’hui une démarche autant écologique (décarbonation) qu’économique (éviter la hausse des coûts fixes) pour le pays.
En résumé : Il faut remplacer les appareils à énergie fossile par des équivalents électriques, tout en s’assurant que ces nouveaux équipements soient flexibles et capables de s’activer aux heures où l’électricité est la plus abondante.
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