Eau du robinet contaminée au CVM : 5 questions pour comprendre ce nouveau scandale

Par Marco Mosca

Publié le 28/10/2025 à 17:22

La contamination de l’eau potable par le CVM (chlorure de vinyle monomère) constitue une problématique trop longtemps négligée. Un recours récemment déposé pourrait bien faire bouger les choses.

Des PFAS détectés dans l’eau potable de 29 communes : un danger pour la santé, alertent deux associations. (c) Grok
L’eau du robinet contaminée par le CVM (c) Grok

Le recours lancé par les associations Comité citoyen de la Sarthe et France nature environnement Sarthe devant le tribunal administratif de Nantes vient de marquer une étape clé lundi 27 octobre. Il demande effectivement au juge d' »enjoindre l’État » à agir dans le dossier de l’eau du robinet contaminée par le CVM, le chlorure de vinyle monomère.

La contamination de l’eau potable par le CVM constitue une problématique trop longtemps négligée. Si le danger de cette substance ne fait plus de doute depuis plusieurs décennies, sa gestion par les pouvoirs publics reste tardive et fragmentaire.

Selon le chercheur de l’université d’Angers et enseignant en droit de l’environnement à Sciences Po Gaspard Lemaire, nous voici en présence d’un « scandale sanitaire majeur ».

Ce recours fait donc office d’alerte nationale. Voici 7 points pour comprendre ce nouveau scandale qui touche l’eau du robinet.

Pour en savoir plus, lire : Polluants éternels (PFAS) : ces communes dont l’eau du robinet est contaminée

Pour en savoir plus, lire : Faut-il arrêter de consommer de l’eau en bouteille ? Pourquoi les expert s’inquiètent

Qu’est-ce que le CVM ?

Le chlorure de vinyle monomère (CVM) se présente comme un composé chimique purement synthétique, utilisé dans la fabrication du PVC (polychlorure de vinyle).
Lors de la fabrication de certaines canalisations en PVC, destinées à l’eau potable entre les années 1960 et 1980, des résidus de CVM ont pu se retrouver piégés dans la matière plastique. Sous certaines conditions (temps de contact long de l’eau avec la canalisation, température élevée, stagnation…) ce gaz peut migrer vers l’eau potable.
Le CVM est depuis 1987 classé cancérogène certain pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Il provoque notamment des cancers du foie.

Pourquoi le risque existe-t-il ?

Le procédé de fabrication du PVC avant 1980 laissait parfois des taux de CVM résiduels dans la matière, ce qui aujourd’hui pose un risque dans les canalisations anciennes.
L’eau stagnante, des réseaux forestiers ou ruraux en bout d’antenne, des longueurs importantes de tube en PVC ancien favorisent une migration accrue du CVM.
Le seuil réglementaire pour l’eau potable est de 0,5 µg/L (microgramme par litre). Ce seuil est fixé pour garantir la qualité de l’eau distribuée.

Quelle est l’ampleur du phénomène ?

Les estimations demeurent préoccupantes : environ 140 000 km de canalisations en PVC ancien pourraient être concernés en France, selon le ministère de la Santé. Jusqu’à 340 000 km selon les délégataires de service public d’eau…

Selon une enquête, plus de 5500 communes françaises ont relevé au moins un dépassement du seuil de 0,5 µg/L dans une partie de leur réseau. 2 millions de personnes seraient ainsi potentiellement exposées à des niveaux de CVM qui ne respectent pas la réglementation.

Le remplacement de l’ensemble des canalisations contenant du CVM coûterait entre 12,6 milliards – (140 000 kilomètres de linéaires concernés) et 30,6 milliards d’euros (340 000 kilomètres).

Quels sont les enjeux juridiques et collectifs ?

Dans le cas de la Sarthe, l’enjeu est de contraindre l’État à :

  • Identifier avec précision les tronçons concernés par le CVM (ce qui n’aurait pas été fait de façon systématique).
  • Déployer une réglementation et un système d’information adapté afin d’alerter les populations concernées.
  • Mettre en place un plan concret de remédiation (purges, remplacement, tubage de canalisations) dans les délais.
  • Que faut-il encore faire ?

    La mesure du CVM dans l’eau potable est obligatoire en France depuis 2007. Des instructions ministérielles (2012, 2020) ont défini les modalités d’identification des secteurs à risque et de gestion des non-conformités. Mais une cartographie complète, fiable et à jour des réseaux concernés n’existe pas encore.

    Le financement et le remplacement massif ou le tubage des canalisations concernées restent insuffisants, en particulier dans les zones rurales ou isolées. L’information des abonnés et l’alerte publique restent lacunaires pour les associations.

    Que peuvent faire les particuliers ?

    Vérifier auprès de leur commune ou leur syndicat d’eau si des analyses de CVM ont été réalisées ou si leur réseau contient des canalisations en PVC anciennes.

    En cas de dépassement confirmé : privilégier l’eau en bouteille pour la consommation. Des tests réalisés en laboratoire ont montré que si la concentration en CVM ne dépasse pas 1 µg/L, le stockage pendant 8h à température ambiante dans une carafe propre, permet de diminuer de moitié la concentration en CVM et ainsi respecter la limite de qualité,, explique le Ministère de la Santé.

    Les cartouches filtrantes à éviter

    L’eau du robinet peut être utilisée pour la cuisson des aliments et les boissons chaudes si elle est portée à ébullition. L’utilisation de cartouches filtrantes afin d’éliminer le CVM de l’eau n’est en revanche pas conseillée.

    Participer aux consultations publiques, interroger le maire ou les représentants du service des eaux sur la feuille de route en matière de CVM.

    Pourquoi ce recours est-il un tournant ?

    Le fait que des associations engagent une action en justice pour contraindre l’État à reconnaître ses responsabilités marque un tournant. Si le recours aboutit, il pourrait ouvrir la voie à d’autres actions dans différents départements. Il permettrait d’amplifier la pression réglementaire et financière sur les exploitants d’eau, mais aussi sur les collectivités locales.

    Sources : France Info, Ministère de la Santé, Le Monde, Vert.eco.

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