La Chine injecte des milliards dans les robots humanoïdes et multiplie les démonstrations spectaculaires. Mais comme le montre le New York Times, les usages concrets tardent à émerger, faisant craindre une bulle technologique. Revue de presse.

Robot humanoïde XPeng IRON travaillant dans une usine avec une perceuse à la main
Le robot humanoïde XPeng IRON peut assister les opérateurs en usine grâce à sa dextérité et ses capteurs d’IA.

Alors que la Chine multiplie les annonces spectaculaires autour des robots humanoïdes, le quotidien américain The New York Times s’interroge sur le décalage croissant entre l’ampleur des investissements consentis et la réalité des usages concrets. Derrière les démonstrations impressionnantes et les levées de fonds records, une question commence à inquiéter les autorités chinoises elles-mêmes : le pays est-il en train de créer une bulle technologique autour des robots humanoïdes ?

Des démonstrations impressionnantes, mais surtout symboliques

Robots capables de danser à la télévision, de boxer sur un ring ou de courir des marathons : les start-up chinoises rivalisent de mises en scène pour démontrer leur avance technologique. Certaines présentations frôlent même l’illusion, à tel point que des entreprises ont dû dévoiler publiquement les mécanismes internes de leurs robots pour prouver qu’il ne s’agissait pas d’êtres humains déguisés. Tout les grands groupes chinois accélèrent également sur ce marché. Lei Jun, fondateur et PDG de Xiaomi, a effectivement confirmé récemment un virage industriel majeur : des robots humanoïdes devraient travailler « à grande échelle » dans les usines du groupe d’ici cinq ans. Une prédiction ambitieuse qui s’inscrit dans un mouvement profond de modernisation de l’industrie chinoise, où l’IA devient un levier de compétitivité aussi stratégique que les coûts de production.

XPeng a de son côté levé le voile en novembre dernier sur la version de deuxième génération de son robot humanoïde baptisé IRON, avec une stratégie très ambitieuse.

Mais derrière ces images virales, la réalité est plus nuancée. Si ces machines reproduisent des mouvements humains avec une précision croissante, elles restent limitées à des scénarios très contrôlés, loin des contraintes du monde réel.

Pékin redoute une prolifération incontrôlée d’acteurs

Le gouvernement chinois a récemment tiré la sonnette d’alarme : plus de 150 fabricants se disputent aujourd’hui le marché des robots humanoïdes. Un foisonnement qui rappelle d’autres phases d’emballement technologique, avec un risque identifié de produits redondants et peu différenciés.

Selon l’analyste Lian Jye Su (cabinet Omdia) cité par le quotidien américain, la Chine adopte une stratégie offensive sur les nouvelles technologies, quitte à voir émerger une multitude d’acteurs se partageant des parts de marché réduites. Une dynamique qui a déjà été observée dans les véhicules électriques ou le photovoltaïque.

Une puissance industrielle incontestable… mais des limites logicielles

Sur le plan matériel, la Chine dispose d’atouts majeurs. Le pays est déjà le premier utilisateur mondial de robots industriels, loin devant le Japon, les États-Unis ou l’Allemagne. Robots de soudure, de manutention ou de logistique sont désormais omniprésents dans les usines, les aéroports ou les hôtels.

Les robots humanoïdes, en revanche, posent un défi bien différent. Leur principal talon d’Achille reste la gestion de l’imprévu. Capables d’exécuter des tâches répétitives, ils peinent à s’adapter en temps réel à des situations non programmées, un obstacle majeur à leur déploiement à grande échelle.

Sans cas d’usage clairement identifiés, les fabricants savent construire… mais ignorent encore à qui vendre. Cette absence de débouchés concrets alimente la crainte d’un marché surfinancé mais sous-exploité. Les robots humanoïdes restent pour l’instant cantonnés à des expérimentations industrielles ou à des démonstrations marketing, loin d’une adoption massive dans les services, la santé ou le domicile.

L’IA, dernier espoir pour franchir un cap

Pour les investisseurs et les fondateurs, l’intelligence artificielle représente la clé. En Chine comme dans la Silicon Valley, l’objectif affiché est de faire des robots humanoïdes le prolongement physique de l’IA, capable d’interagir avec le monde réel.

De nombreuses start-up misent sur l’apprentissage par répétition ou par simulation, souvent à l’aide de technologies développées par Nvidia. Certaines entreprises, comme Unitree Robotics, commencent même à exporter leurs robots vers des laboratoires américains pour des tests avancés.

Un avantage chinois renforcé par les financements publics

L’écart avec les États-Unis est aussi financier. Pékin soutient activement le secteur via des fonds publics massifs : 14 milliards de dollars au niveau national, auxquels s’ajoutent des initiatives locales à Shanghai, Pékin ou Hangzhou. Cette politique permet aux fabricants chinois de proposer des robots humanoïdes à des prix très inférieurs à ceux d’acteurs historiques comme Boston Dynamics, désormais propriété de Hyundai Motor Group.

Mais cette stratégie de volume pose une question centrale : une industrie peut-elle devenir durable sans applications clairement rentables ?

Source : Challenges/The New York Times